A quel moment avez-vous su que votre voie était la sculpture ?
M T : J’ai le souvenir d’un événement qui ne m’a jamais quittée, et qui a sûrement décidé de ma vocation de sculpteur. J’avais sept ans et me promenais dans la forêt avec ma mère. A un moment, j’ai entendu le chant du coucou, et puis l’écho, la résonance de ce chant dans le bois… Et d’un coup j’ai vu l’espace s’ouvrir, s’organiser, prendre une profondeur inconnue de moi jusque là. A sept ans je réalise mes premières créations, à partir de matériaux simples. Sculpter est une façon pour moi de m’intégrer à l’espace en lui donnant une forme.
N’est-ce pas cette sensation de la vie que vous cherchez à rendre dans vos créations ?
MT : Certains disent que c’est exactement ce qu’ils voient dans mes sculptures. Quand je crée, je revis toujours ce moment premier, l’ouverture de l’espace au cœur de la forêt… Créer, c’est me tenir à ce joint le plus intime du sentiment de la vie, où le corps sort de son enfermement. C’est à refaire, toujours. Ce corps là ne se raconte pas d’histoires. Il ne ment pas. Il nous guide, beaucoup plus sûrement que les élucubrations mentales qui nous perdent. La création vient du corps, et non pas des idées. Je tends à me rapprocher toujours plus de cette évidence en me libérant des dogmes et des discours, de tout ce qui va dans le sens de contrarier ce qu’il y a en nous de plus singulier, de plus réel et de plus vivant.
Votre oeuvre semble porter en elle une jeunesse inextinguible…
MT : J’ai toujours sept ans. Ou plutôt, plus je vieillis, plus je me rapproche de ce moment inaugural. Créer, c’est continuer de faire surgir de mon geste de sculpteur cette petite musique qui le guide et qui a jailli un jour de cette chambre d’écho sensationnelle qu’est la forêt.
(Entretien réalisé avec Valentine Dechambre)